« Macron ou la tentation autoritaire »: Juan Branco dans La Guerre des idées

Son engagement en politique, c’est au 27 octobre 2005 que Juan Branco (voir photo plus haut) le fait remonter. Il a alors seize ans, et ce jour-là, Zyed et Bouna, deux ados du même âge que lui, nés du mauvais côté du périphérique, sont retrouvés morts sur un site EDF en tentant d’échapper à un contrôle de police abusif à Clichy-sous-Bois. Devenu normalien et docteur en droit international, le fils de bonne famille n’oubliera pas. C’est dans cette circonscription de la Seine-Saint-Denis qu’il viendra se présenter aux dernières législatives sous l’étiquette France Insoumise. Pour cette fois, son désir de ne pas céder sur l’injustice se sera brisé sur la vague En Marche !. On devine pourtant que ce n’est que partie remise, et qu’on entendra longtemps parler du garçon.

Caractère bien trempé, Juan Branco préfère qu’on s’intéresse à ses idées plutôt qu’à ses prestigieux « labels », et rappelle volontiers qu’il est déjà l’auteur de deux essais, une critique radicale du tribunal pénal international publiée chez Fayard, et une méditation sur notre rapport à Daesh aux éditions Lignes. À 28 ans à peine, comment ne pas remarquer pourtant que son parcours est déjà imposant.

Avocat français de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks qu’il va régulièrement rencontrer à Londres où celui-ci vit toujours reclus à l’ambassade d’Équateur, Juan Branco porte un regard informé sur les périls que font peser sur nos libertés la raison d’État, autant que les nouvelles oligarchies intimement liées au pouvoir politique. Avant de croiser Jean-Luc Mélenchon dans une émission de télévision et d’être approché par son mouvement, il fréquenta un temps les cabinets socialistes, que ce soit celui d’Aurélie Filippetti pour imaginer une réforme de la loi Hadopi, ou dans le staff de Laurent Fabius au Quai d’Orsay – autant d’expériences qui lui laisseront une véritable amertume.

Avec cette nouvelle figure de la gauche, nous avons eu envie de réfléchir aujourd’hui aux menaces qui pèsent sur le monde intellectuel et médiatique, alors que 90% des canaux officiels sont détenus par le CAC 40 (voir photo de Xavier Niel plus bas), et que la pression sur les réseaux sociaux s’accentue. Ou encore sur le vrai visage du macronisme, dangereuse machine à concentrer les pouvoirs et à accumuler le capital au détriment de « ceux qui ne sont rien ».

L’émission, pour les abonnés du site Là bas si j’y suis, est à visionner en cliquant ici.

Extrait des propos de Juan Branco en fin d’émission: 

« Macron c’est l’individu type d’une certaine forme de civilisation, qui répond aux canons esthétiques d’une certaine forme de réussite qui sont ceux, superficiels, de notre époque. C’est quelqu’un qui va avoir un discours à la fois parfaitement plat du point de vue de la pensée, mais en même temps qui a les abords de la complexité et de l’élaboration, qui réussit tout ce qu’il fait, qui a un mariage certes un peu non conventionnel, mais qui fait partie de ces étrangetés parfaitement acceptables dans une société comme la nôtre, et qui vise à s’imposer comme un modèle bien au-delà du champ politique. Macron cherche en effet à apparaître à la fois comme un modèle d’incarnation politique et comme un modèle d’individu, un exemple à suivre, et il y a là comme une volonté d’écrasement, de défense d’une norme complètement catastrophique. Macron, c’est quelqu’un qui n’a jamais des gestes que pour lui-même, pour sa réussite personnelle, qui n’a jamais investi dans le rapport à l’autre. Il n’y a pas un geste dans sa carrière, dans tout son parcours politique, qui soit fait pour l’autre, c’est sidérant à voir. Il n’y a pas une prise de risque. C’est toujours une concentration de pouvoirs pour lui-même. Et c’est dans ce cadre là, dans un espace communicationnel de plus en plus normatif, que je dis qu’il faut défendre l’étrangeté, l’erreur, l’échec, la possibilité de l’effondrement, le droit à une forme politique, civilisationnelle et individuelle où l’autre puisse ne pas avoir peur d’apparaître dans sa vulnérabilité. Le politique n’a de sens que pour défendre celui qui se pense rien. Quand je vais à Clichy-sous-Bois, je vois une forme de richesse qui n’est pas visible. La France elle est ici aussi, et cela a un sens de la défendre telle qu’elle est là-bas. Evidemment, il faut donner à ces personnes la capacité d’agir politiquement, mais en défendant leur différence, pas en les poussant à entrer dans un modèle de réussite individuelle. »

2 réflexions sur “« Macron ou la tentation autoritaire »: Juan Branco dans La Guerre des idées

  1. Xavier Bougeot

    Certes M. Macaron est l’incarnation type du manager moderne et modèle.
    Formaté, lisse et pourtant tueur
    Une forme de psychose managériale, économique et sociétale née d’un néo libéralisme de court terme qui oublie l’humain car devenu une fin en soi.
    Je ne sais si il faut défendre la richesse de la différence ou plutôt l’évidence de la complexité humaine et de la nécessité de penser le temps long.
    Je ne crois pas plus à la doxa dangereuse de ceux qui s’inclinent devant le communautarisme et l’échec social qu’au dogme du ruissellement, avatar pervers d’un renoncement à la République.
    Il n’y a de richesse productrice que partagée dans un esprit d’investissement et de progrès, renoncer à un idéal versé vers le futur et l’évolution de la société, c’est renoncer à notre propre évolution en tant qu’ humanité, car nous sommes des êtres de culture qui doivent substituer au darwinisme une évolution auto engendrée.
    En effet, prédateurs ultimes, nous pouvons sur un temps restreint triompher de la nature et nous en satisfaire, mais prédateurs de nous-mêmes, nous devons penser le long terme et hausser notre humanité à la hauteur des défis démographiques , écologiques et civilisationnels qui s’ imposent à nous.
    M. Macron se veut moderne mais n’est à cette échelle qu’une incarnation nouvelle d’un système obsolète.
    Les penseurs de la diversité et de l’oecuménisme bobo globish ne sont que le versant opposé d’une même montagne d’aveuglement volontaire.
    Les enjeux sont tels qu’il est urgent de raser la montagne et d’inventer un système qui repense le futur.
    Une nouvelle utopie, sans doute, mais qui vaut mieux que les uchronies sans cesse rafraichies que chacun nous sert
    en oubliant l’urgence de la situation.
    M. Macron et comme incarnation du système mondialisateur via une economie orthodoxe ou ses gentils contradicteurs via leur vision globalisante sont les serviteurs d’un modèle suranné qui n’imagine rien et se contente de prospérer dans le présent.

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  2. Ping : « Eloge de la politique », discussion au Lieu-Dit avec Alain Badiou – Le feu à la plaine – " LIBERTÉGÉRIE "

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